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Ecrivaine occitane, semeuse de graines de folie. Etre écrivain, c'est combattre, c'est dire, dénoncer, tous les jours, à chaque instant, jusqu'au dernier souffle. C'est aussi écrire pour vous faire évader. Quitter les sentiers battus et partir vers d'autres horizons.

sombre journée : le bombardement de Frontignan

Le 25 juin 1944, alors que les Frontignanais vaquaient à leurs occupations dominicales, un événement, sans précédent dans l’histoire de la ville, se préparait dans le ciel d’azur. Évènement qui allait changer à jamais le visage de la ville et transformer les vieilles rues moyenâgeuses en rues impersonnelles du vingtième siècle dévastateur.

 

Écoutons ce que nous dit « L’Appel du Large », bulletin mensuel des familles de Frontignan. L’article est signé L.A. Nous n’en saurons pas plus sur cet écrivain, journaliste ou simple citoyen, qui a mis sa plume au service de la mémoire et nous raconte d’une manière lyrique des événements dont la tragédie n’a rien de poétique.

 

Quelques extraits que j'ai recopiés  (les *** annoncent des coupures dans le texte original)

 

Il fait beau. Dans le ciel d’azur, le soleil brille de tous ses feux. Naguère, pareille journée eut mis de la joie dans tous les cœurs. Mais peut-on connaître aujourd’hui une joie véritable ? Non, hélas !…

Pourquoi faut-il que les hommes transforment en visions horrifiantes les spectacles les plus propres à apaiser les cœurs ? Pourquoi faut-il qu’un ciel sans nuages soit le signe annonciateur d’un ouragan de fer et de feu ? Ô stupidité de l’orgueil et de la haine. Il ferait si bon vivre sous le signe de l’amour.

Chacun vaquait à ses occupations dans cette atmosphère particulière des matinées dominicales quand, tout à coup, le mugissement de la sirène retentit lugubrement.

Les derniers coups de neuf heures venaient à peine de s’éteindre à l’horloge du beffroi. Dans les rues, les plus apeurés et, il faut le dire, les plus prudents, pressent le pas et gagnent la campagne. Certains, curieux, scrutent le ciel. D’autres ne voulant pas croire au danger, restent tranquillement chez eux.

- « Regardez, mais regardez donc dans le ciel ». Effectivement, loin encore et très haut, des avions apparaissent. Leurs ailes, au soleil, comme de grandes lames d’argent, scintillent. Que le spectacle serait beau à voir si ce n’était là qu’une parade pacifique.

- « Dix, vingt, trente… Oh mais regardez encore ». En formation de combat, les vagues succèdent aux vagues. Combien sont-ils ? Deux cents peut-être et plus.

L’anxiété se peint sur les visages. Que va-t-il se passer ?

 

***

 

Tous ceux qui ont vécu ce triste jour s’en souviennent. Il a commencé par un jour comme les autres,

un dimanche de juin sous un ciel d’été...

 

Pour qui donc sera cette cargaison de bombes ? Pour qui ? Écoutez… Tout près un bruit sourd caractéristique. La terre tremble. Un lourd et gigantesque panache de fumée s’élève au pied du Mont Saint Clair. Pas de doute, Sète est touché. « Mon Dieu, ayez pitié de ceux qui meurent ».

 

***

Un nouveau lâcher de bombes tout proche. Balaruc les Usines.

Le doute n’est plus permis maintenant. Ce raid a pour but de détruire les usines de ce coin de côte languedocienne.

« Ils reviennent ! Gare ! Cette fois c’est pour nous ».

Dans un bruit assourdissant et démoralisant, un déluge de fer et de feu s’abat sur notre pauvre cité.

Au premier coup, la C.I.P est touchée. De lourdes volutes d’une épaisse fumée noire montent lentement vers le ciel bleu, puis s ‘étendent sur Frontignan comme pour lui faire un immense voile de deuil que l’ardent soleil n’arrive plus à percer. Trois vagues successives passeront ainsi, semant la ruine et la mort.

 

***

Au poste de secours

 

Ils sont partis. Le ronronnement des moteurs s’estompe rapidement. On hésite cependant à sortir. Ne vont-ils pas revenir encore ? Non, c’est bien fini.

L’usine paraît sérieusement atteinte à en juger par l’ampleur de l’incendie.

 

***

Dans une des salles de l’hospice saccagé, les trois médecins de Frontignan, les assistantes sociales, les infirmières de la Croix Rouge, quelques ligueuses et les bonnes sœurs, qui viennent d’échapper miraculeusement à la mort, apportent tous leurs soins aux blessés. Ils sont nombreux, et quelques-uns sérieusement atteints. Le poste de secours est vite surpeuplé. Pour le dégager, M. le curé, qui vient de donner les derniers secours aux moribonds, fait aménager la chapelle où, sur des matelas hâtivement apportés, les plus gravement touchés attendront leur transfert à Montpellier.

Le soir, vingt-cinq cercueils sont alignés dans la chapelle ardente et malheureusement, des corps resteront ensevelis plusieurs jours sous les décombres.

 

« Lundi 26 juin

Là-bas, de l’autre côté du canal, devenant moins dense à mesure que s’écoulent les heures, la fumée noire monte toujours vers le ciel bleu. De l’usine, il ne reste qu’un amas de ferrailles tordues. Des bacs sont encore debout, mais crevés et inutilisables. Partout de grands entonnoirs. Près de quatre-vingts bombes ont atteint leurs objectifs. »

 

« C’est à la place du Monument, centre de la cité, que le spectacle est le plus navrant.

Les points de chute ont fait dans la ville comme trois grands sillons. Le sillon le plus facile à suivre part du quai du canal à sa jonction avec le boulevard de la République.***

Le deuxième sillon, important également, prend le quartier de la gare. Les bombes creusent de grands entonnoirs devant le bâtiment. Ce sillon se poursuit d’une façon moins continue que le précédent et creuse, dans le quartier de la Gandide, un immense vide de quarante à cinquante mètres de diamètre.

                                                                                                                                                    

Il se termine par la dévastation du porche de la rue La-Font et du quartier avoisinant.*** Le troisième sillon, rectiligne celui-là, prend d’enfilade le boulevard Victor Hugo. Le dernier chapelet de bombes atteint le jardin de l’hospice, causant des dégâts considérables mais épargnant de justesse les sœurs et les vieillards, faisant cependant de nombreuses victimes dans le voisinage.

Des bombes, ne semblant appartenir à aucune de ces trois séries, ont pris de plein fouet les anciennes écoles qui abritaient des services municipaux, la Croix Rouge, une annexe du secours national et les bureaux de l’Union Frontignanaise.***

 

 

Suivent des messages de sympathie du vicaire d’Aspiran, des bilans de victimes, les indemnisations à venir et l’exode massif des Frontignanais suite à cette terrible journée. Nous ne pouvons pas réécrire la totalité du texte, une grande partie étant illisible et déchirée. Mais ce que nous vous avons présenté ici témoigne de l’horreur qu’ont vécue nos compatriotes et de la bêtise des hommes.

 

les photos du bombardements de Frontignan ont été prises par ma maman Jacqueline Clot/Boissié. documents
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